Baptiste Dubreuil joue Keith Jarrett

Musique, 2025

J’ai 4 ans. Je suis avec mon père.
On rentre de l’école, on marche vers la maison de Tavers.
Il fait beau, on passe le portail,
j’entends un son bizarre...
la porte du salon est grande ouverte, on entre.
- C’est quoi ce son !?

- Des gens qui applaudissent Baptiste...
pendant le concert de Cologne de Keith Jarrett.
Une bonne entrée en matière.
Mon père trompettiste, mon frère saxophoniste,
et Keith Jarrett qui nous suivra tout au long de notre vie.
Je deviens pianiste et grand fan de Jarrett.

Trop dur à jouer ?

Pendant un temps... oui.

Et puis je me lance.
J’écoute, je réécoute, j’essaie de comprendre, je le mime...
Et puis je l'incorpore, je l’exprime, je le vis.

Keith, merci... sans toi j'aurais été un autre.

Un concert solo, un hommage, un pur moment de re-création...

Magcentre_18 octobre 2024

Au Moulin de la vapeur, jeudi soir, une soirée double pour de la musique intime mais de belle envergure. Baptiste Dubreuil en solo plaquait sur un Yamaha la musique héritée de Keith Jarrett. Avec un souffle magnifique, il nous a promené dans les chemins du maitre.

Qu’il soit en solo ou avec ses trios, l’un américain et l’autre européen, Keith Jarrett joue une musique reconnaissable entre toutes. Foisonnante, elle installe dans un déluge de notes un paysage, une ambiance, le bruit d’un monde dans lequel le pianiste se promène. Baptiste Dubreuil a saisi les clefs de cette contrée musicale, nous emmène sur les chemins de son modèle, mais dessine aussi ses propres sentiers. On se souvient des cris étouffés de Keith quand il jouait, à la fois soulagement du sportif après l’effort et cri de plaisir d’être là où il faut. Baptiste ne crie pas, mais son corps très tendu indique la même énergie nécessaire pour nous entraîner sur les plateaux où ça chaloupe en regardant les étoiles de notre enfance, les rêves de beauté sensuelle d’avant la sexualité. Il a merveilleusement compris la technique main gauche rigoureuse et main droite qui dessine dans une liberté créatrice. Au fil de son concert, il s’éloigne de plus en plus du maître, mais reste dans la veine, reste là où il faut. Une somme d’années de travail qui ne laisse que le plaisir d’écoute. Baptiste restitue l’ampleur de l’inspiration, le rythme qui monte et devient presque obsessionnel pour s’arrêter d’un coup et retrouver la ligne simple du thème. C’est fort, très fort !

Bernard Cassat